Les Canaries sont une escale incontournable pour les navigateurs qui préparent leur transat mais aussi pour ceux qui cherchent un climat doux pour y passer l’hiver. L’archipel canarien, d’une part en plein Océan atlantique et d’autre part pas très loin du continent africain, est composé de sept îles volcaniques pas très éloignées l’une de l’autre. La météo y est très agréable toute l’année ce qui rend la navigation plus facile et plus confortable. Toutefois, il y a certaines particularités à connaître au sujet des vents aux Canaries et de la disposition des îles pour ne pas vous retrouver avec des rafales et du courant en pleine face.
Les plaisanciers qui veulent traverser l’atlantique ne restent en général aux Canaries que quelques semaines en automne avant leur départ. Les globe-trotters au long cours, comme nous qui restons à la découverte des îles pendant 9 mois, sont très rares. Peu importe la catégorie dans laquelle vous vous situez, ce guide nautique (cruising guide) vous sera utile pour planifier vos routes.
Sachez qu’aux Canaries, vous passerez plus de temps dans les ports qu’au mouillage car les bons spots non rouleurs pour jeter l’ancre sont rares. Lisez à ce sujet nos articles sur les conditions de mouillage aux Canaries et sur les prix des ports et des marinas.
Régime des vents
Vous arriverez aux Canaries soit depuis le continent européen soit depuis le Maroc ou Madère poussé par les vents du nord ou nord-est. Ils sont appelés, à tort d’ailleurs, les vents alizés.
L’alizé est un vent régulier des régions intertropicales (entre 23°27 nord et 23°27 sud). – Wikipédia
Les Canaries se trouvant à l’attitude entre 27° et 29° nord, il ne peut s’agir par conséquent des alizés. Vous verrez toutefois dans toutes les brochures et sur tous les panneaux explicatifs aux Canaries le mot « alizés ». Le vent du NE est celui auquel vous aurez droit aux Canaries quasiment en permanence, c’est le vent prédominant. Oui, les Canaries sont très venteuses et surtout en été.
La nuit, le vent a tendance à retomber. De temps à autre, au passage d’une dépression ou d’un anticyclone, le vent changera de direction ou se calmera pour quelques jours et soufflera à nouveau du NE. C’est la raison pour laquelle c’est bien plus facile de naviguer depuis les îles de l’est vers celles à l’ouest.
Observez l’image ci-dessus provenant du site windy.com. Elle montre le passage que se fraye le vent venant du NE en passant autour et entre les différentes îles. Selon la forme de l’île et le couloir entre deux îles, le vent peut être plutôt du N, NE ou NNE et par endroit même de l’E. Avec ce vent, il ne sera pas facile de remonter une île depuis son sud vers son nord, ainsi que de revenir de l’ouest de l’archipel vers l’est. El Hierro, l’île la plus occidentale est la plus mal placée et il vous faudra du temps pour revenir depuis El Hierro vers les autres îles.
Au passage d’une dépression ou d’un anticyclone, le vent changera de direction pour une courte période, pour quelques jours. Vous aurez alors toute sorte de directions du vent selon où se trouvera le front. Le vent venant du secteur sud et la houle qu’il crée sont violents et redoutés dans de nombreux ports (surtout ceux de Puertos Canarios) car l’entrée dans les ports se fait bien souvent par le sud.
Le vent du sud est très fréquent autour du mois de janvier. La forte houle du sud rentre en force dans le port et balance les pontons dans tous les sens. Et comme les pontons visiteurs se trouvent toujours près de l’entrée du port, vos amarres auront de quoi en prendre un coup.
Ca nous est arrivé en janvier 2019 à Gran Tarajal à Fuerteventura, deux jours au roulis avec des amarres qui grinçaient et nous nous demandions si le ponton n’allait pas lâcher. C’est d’ailleurs arrivé en décembre 2018 au port de La Graciosa où le ponton d’accueil a lâché avec le vent et la houle du sud.
Le temps et le régime des vents aux Canaries et à Lanzarote
A part les vent du NE (« alizés »), vous aurez aux Canaries un deuxième vent appelé Calima. C’est un vent chaud qui arrive du Sahara chargé de particules de sable. La température peut monter de 10 °C par rapport à la normale, il fait lourd et une sorte de voile blanchâtre s’installe dans l’air. Cela ne dure pas longtemps, au bout de 3-4 jours le vent du NE sera à nouveau de retour.
En été, le vent aux Canaries est plus marqué qu’en d’autres saisons. La navigation est alors plus pénible. Au mois d’août 2019, le vent n’arrêtait pas de souffler avec de fortes rafales. Les bonnes fenêtres météo pour traverser entre les îles étaient rares. Les canariens nous ont dit que la météo la plus agréable était au mois d’octobre et de novembre. Mais c’est aussi la période où il y a le plus de plaisanciers qui arrivent aux Canaries pour faire la traversée atlantique ou pour y passer l’hiver.
Les rafales et les zones d’accélération
La navigation aux Canaries est d’une part une navigation côtière et d’autre part une navigation entre les îles. La masse d’air qui arrive sur les Canaries rencontre à certains endroits des obstacles, ce sont les îles. Comme ce volume d’air doit continuer son chemin dans un espace plus réduit et arriver au même moment en bas des îles, la masse commence à accélérer dans les couloirs autour et entre les îles. Plus les îles sont rapprochées, plus ça souffle entre elles. En plus, les Canaries qui sont des îles volcaniques ont des falaises aux abords et le vent les dévale à grande vitesse.
Maintenant vous comprenez pourquoi l’archipel est si venteux. Tout cela crée des rafales et l’effet connu sous le nom d’effet « venturi », ce sont les zones d’accélération. Elles sont bien connues et bien répertoriées dans les guides. Si vous ne les connaissez pas, vous aurez une mauvaise surprise. En naviguant avec peu de vent le long de la côte avec toutes vos voiles déployées, en un espace d’une minute vous rentrerez dans une zone d’accélération où la vitesse du vent augmentera d’un coup de 10-15 nœuds.
C’est vraiment impressionnant si vous ne connaissez pas cet effet, comme nous qui étions des débutants. Nous n’étions pas au courant de ces zones, nous avions trop de voiles, notre bateau a commencé à se coucher, il a fallu vite agir. Repérez bien les zones d’accélération sur la carte, réduisez suffisamment à l’avance votre voilure et surveillez la couleur de l’eau qui deviendra plus foncée et agitée à l’approche de ces zones. Pour préparer vos navigations, surveillez l’évolution des prévisions météo une à deux fois par jour ainsi que la force des rafales.
Comme vous le voyez sur l’image, le vent et les rafales sont aussi plus forts dans les couloirs entre les îles (effet de l’entonnoir). Il vaut mieux passer par le nord des îles et descendre ensuite le long de la côte. Ou restez au sud des îles. Evitez les traversées diagonales entre les îles occidentales car le milieu entre les îles est bien agité.
Se battre contre les rafales au près serré ou en remontant les îles du sud vers le nord (en plus du courant) est un vrai calvaire. Dans ce cas, si vous n’avez pas d’autres choix, découpez votre navigation en plusieurs étapes ou mettez le moteur et surtout, armez-vous de patience. Nous avons fait deux navigations à contre sens et c’était fastidieux.
Climat, températures, courants et marrées
Le climat aux Canaries est doux et très agréable toute l’année. Vous n’aurez pas besoin de grosses vestes en hiver. Toutefois, le soir, la température chute et il fait bien plus frais. Le soleil vous réchauffera quasiment en permanence, le vent soufflera très souvent et la mer sera fraîche toute l’année. L’été est la pire période pour naviguer à cause des vents forts incessants et un ciel couvert par les nuages (surtout au nord des îles). L’été est également équivalent de basse saison.
Les courants portent au SW d’une force de 1-2 nœuds. Si vous voulez remonter une île du sud au nord, vous aurez contre vous le courant, le vent et les rafales dans les zones d’accélération. Sous ces conditions, c’est quasiment impossible de remonter au vent, nous l’avons expérimenté, il faut mettre le moteur et être très patient.
La marée aux Canaries est semi-diurne, c’est-à-dire qu’on observe deux pleines mers (marées hautes) et deux basses mers (marées basses) par jour. Le marnage (différence entre marée haute et marée basse) va jusqu’à 2 voir 3 mètres. Sur certains mouillages pas très profonds, vérifiez bien où vous jetez l’ancre pour avoir suffisamment de profondeur à marée basse.
Bateaux charters et bateaux croisières
Comme vous, les navigateurs occasionnels auront aussi envie de profiter du beau temps hivernal aux Canaries. Les locations charters sont basées à Lanzarote, Ténérife et Gran Canaria. Ils ne savent pas très bien naviguer et encore moins s’amarrer. Il peut arriver qu’ils tapent votre bateau au port. Ca nous est arrivé à Santa Cruz de Ténérife et à San Sebastián de La Gomera.
En dehors de l’été, vous aurez aussi le droit à respirer du diesel lourd des gros bateaux de croisières dans les gros ports. Parfois, 2-3 bateaux déversent 2000-3000 touristes chacun dans les rues. Le pont de votre bateau noircira suite à la pollution des bateaux de croisières, surtout à Santa Cruz de Ténérife.
Au mouillage à Playa Francesa à l’île La Graciosa et au mouillage à l’île Los Lobos, vous aurez des voisins bruyants, les catamarans day-charters plein de touristes. Les bouées sur ces mouillages sont pour eux, ils s’en vont à 17h. Si besoin, vous pourrez emprunter leurs bouées pour la nuit. C’est ce que nous avons fait à Los Lobos.
Moustiques, mouches et cafards
Le grand avantage d’être aux Canaries, c’est non seulement la météo clémente mais également l’absence de moustiques. Le vent permanent et le manque de précipitations ne sont pas de bons amis des moustiques. Vous en aurez sur votre bateau seulement de temps à autre, vous vous ferez plutôt piquer sur la terre ferme dans des endroits abrités.
Plus dérangeantes seront les mouches, pensez à acheter les rubans attrape-mouches (cinta atrapamoscas en espagnol) disponibles dans les ferretarias (quincaillerie) aux Canaries. Vous n’en trouverez pas dans les supermarchés.
Les plus embêtants seront probablement les cafards (cucarachas en espagnol). Les pontons des ports en sont infectés, bien évidemment, ils se cachent bien. La façon la plus efficace pour en avoir sur son bateau, c’est de rentrer avec vos chaussures dans le bateau sans soupçonner que les œufs des cafards se sont collés sur vos semelles. Laissez vos chaussures toujours à l’extérieur et pensez à rincer le ponton devant votre bateau régulièrement. N’oubliez pas aussi de mettre par précaution le produit anti-cafards dans votre carré. Il est disponible soit dans les supermarchés, soit chez les shipchandlers.
Bonjour,
Merci pour ces précieux conseils.
Quel itinéraire de nav. nous conseilleriez-vous pour une semaine de loc aux canaries fin novembre ? Perso, on aime bien naviguer 5h/6h par jour avec des conditions faciles et surtout être éloignées des touristes. On reste facilement à l’ancre ou au coffre, on n’est pas fan des ports…
Merci d’avance pour vos recommandations ;-))
Laurent
Bonjour Laurent,
Une donnée importante manque : le port de votre location. D’où comptez-vous partir ?
En premier lieu, demandez à la boîte de location des itinéraires possibles. Ils ont l’habitude et connaissent bien les contraintes de la navigation locale.
Maintenant, selon notre expérience aux Canaries, voici notre avis :
– en une semaine aux Canaries, vous n’irez pas très loin, la navigation n’y est pas si facile.
– les vents des Alizés vont vous rendre la navigation vers le nord et nord-est compliquée
– monter une île du nord au sud est quasi impossible à cause du très fort courant et de la direction du vent
– les mouillages sont très rouleurs, sauf quelques exceptions. Le port sera souvent le seul choix.
Où comptez-vous louer le bateau ?
Un grand merci pour toutes ces infos bien utiles. Nous partons pour un tour de l’atlantique en juillet de cette année .
Ster- vras 3
Avec plaisir. Nous vous souhaitons une belle ballade aux Caraïbes, profitez bien.
Merci infiniment pour ces précieuses informations.
Avec plaisir. Profitez bien des Canaries. Ce sont nos îles préférées.
Merci pour votre site.
Origine Météo France : « L’alizé est un vent des régions intertropicales entre 30°N et 30°S env. »
Donc c’est bien l’alizé, comme il est dit sur les prospectus touristiques canariens qui souffle sur l’archipel.
Ces alizés qui soufflent sur chaque océan font partie des cellules de Hadley, et soufflent principalement dans les régions intertropicales mais ne sont pas non plus contenus entre les parallèles des tropiques.
Bien à vous.contennue
Merci pour l’info Julien.
Bonjour , votre site est très bien et est une mine d’informations, juste une petite chose diurne ne signifie pas 2 fois par jour mais simplement « de jour », tout simplement « les marées comme partout c’est 2 fois par 24h, diurne ou nocturne.
Merci mic, cela fait plaisir de voir que les gens lisent nos textes dans le détail.
Effectivement, votre remarque sur les marées est juste. Quand on observe une marée haute et une marée basse deux fois par 24h, on parle de marée semi-diurne.
Cela nous rappelle également que nous voulons garder notre site facile à comprendre et donner l’occasion aux navigateurs débutants la possibilité d’acquérir le vocabulaire marin en lisant nos articles.
Combien de fois nous-mêmes sommes frustrés de ne pas comprendre les livres et les sites de voile qui utilisent un langage trop savant. Malgré notre permis mer, nous nous sentons souvent largués.