Partir voyager en voilier est une grande aventure. D’autant plus quand on décide de se lancer dans un tel projet avec peu d’expérience en voile. Comme nous.
Après 4 ans de voyage en voilier, nous commençons enfin à apprivoiser la vie de marins, le bateau et la mer. Chose pas simple quand on part de presque zéro expérience.
Il nous a fallu quatre ans de vie et de voyage à temps plein sur un bateau pour nous sentir enfin à l’aise dans notre vie de navigateurs. Il faut apprendre tellement de choses dans tellement de domaines et tout cela prend du temps.
Cette quatrième année d’aventure en mer était la plus révélatrice et celle qui nous a fait avancer le plus. Un vrai tournant dans nos vies.
Nouveau continent : Amérique Latine
Après un an et demi aux Caraïbes pendant et après la pandémie, nous sommes partis en août 2021 en direction de l’île de Curaçao (Antilles néerlandaises), de la Colombie et du Panama.
Les formalités d’entrée en voilier en Colombie et au Panama, qu’on appelle le « Zarpe » (« clearance » aux Antilles), sont très complexes et très chères.
Il faut compter au minimum 200 à 400 USD entre agent, immigration, permis de navigation, taxes, droits de mouillage et d’autres frais qu’ils inventent pour alléger votre porte-monnaie de « Gringo » (on appelle ainsi les blancs, les occidentaux et les américains).
Les shipchandlers (magasins pour matériel de bateau) en Colombie et au Panama sont quasi inexistants. Ça nous a surpris, car nous supposions trouver plus facilement de l’équipement bateau sur le continent que sur les îles.
Pourquoi il n’y a rien ? Tout simplement parce que la voile est un passe-temps de riches occidentaux ou américains. L’Amérique latine n’a tout simplement pas de culture de voile.
L’Amérique latine, c’est aussi la découverte d’une nouvelle culture. Nous découvrons au Panama, sur les îles San Blas, les indiens Kuna. Ils vivent sur de minuscules îles sans rien. A découvrir dans notre vidéo sur les San Blas.
Nouveau type de météo
En quittant les Petites Antilles, on se réjouissait de ne plus subir la saison cyclonique et le stress des tempêtes tropicales et des ouragans.
La Colombie et le Panama sont en dehors de la zone cyclonique et nous pensions y retrouver une meilleure météo. Très mauvaise supposition de notre part.
Le Panama est le pays le plus pluvieux au monde ! La saison des pluies y dure 9 mois. Nous n’avons jamais vécu une météo aussi mauvaise.
Ciel souvent couvert, des jours sans voir le soleil, de la pluie, énormément d’orages, des éclairs quasi quotidiens et aucun vent. Une vie compliquée quand on vit sur un bateau.
Difficile de recharger les batteries, tout déplacement doit se faire au moteur, la moisissure envahit tout, la grisaille donne peu envie de visiter, impossible d’utiliser notre four solaire.
Nous avons aussi passé quelques mois sur l’île colombienne de San Andres au large du Nicaragua et pas loin du Panama. L’île était réputée d’être ensoleillée en été, tout le contraire du Panama.
Mais la météo en été 2022 s’est avéré d’être la pire. Nous avons essuyé en permanence du mauvais temps sur l’île de San Andres, des rafales jusqu’à 50 nœuds (à regarder dans notre vidéo YouTube). Une alerte au cyclone nous a forcé à quitter San Andres prématurément. Une météo complétement anormale
Nous en retirons une grande leçon. Chaque zone géographique a sa propre météo. Il est important de toujours se renseigner à l’avance sur les conditions météo, par exemple dans un guide de navigation.
Le réchauffement climatique semble également dérégler la météo et de créer des phénomènes météorologiques anormaux et violents.
Budget voyage en voilier
Voici notre budget de septembre 2021 à août 2022. Nous avons navigué pendant cette période sur l’île de Curaçao, en Colombie et au Panama.
Budget mensuel : 2346 Euros/mois – cela comprend absolument toutes les dépenses (vie courante, assurances, clearances, matériel de réparation et entretien du bateau, nouvel équipement sur le bateau, carénage).
Ce budget comprend aussi notre nouveau génois, notre nouveau bimini et la fermeture tout autour du cockpit, le générateur, le transformateur 110V/220V qui représentent des dépenses importantes.
Notre budget mensuel depuis le début du voyage est de 2813 Euros/mois (de septembre 2018 à août 2022). Il comprend absolument tout, y compris tous les gros travaux sur le bateau.
L’entretien du bateau, les réparations et le matériel pour le bateau mangent une grande partie du budget.
Voici nos bilans et budgets des années précédentes :
- bilan et budget après 1 an de voyage
- bilan et budget après 3 ans
- bilan et budget après 5 ans de voyage
Vie simpliste sur le bateau
Cette quatrième année de voyage nous a montré ce dont nous avions vraiment besoin et ce qui comptait le plus dans la vie.
Petit espace. Le bateau a un espace limité et il fallait se défaire de toute chose superflue à bord pour accueillir du matériel de réparation, des pièces détachées, des produits d’entretien, un dessalinisateur, un générateur. Vous serez étonné du bordel qu’on peut stocker sur un bateau pour « au cas où ».
Apprécier le présent. Nous avons arrêté de supposer que la prochaine destination sera paradisiaque. Nous avions enfin compris que c’était à nous de faire de n’importe quel endroit le paradis du présent. De lui trouver des atouts et de les apprécier.
Activités à bord. Nous nous trouvons souvent en bateau dans des endroits reculés, des îles lointaines. On peut vite s’ennuyer sur un bateau car il n’y a pas forcément quoi aller visiter. Alors il faut se trouver des occupations.
Vie sans internet. Et cette occupation ne peut pas être d’aller sur internet. Avoir internet en voilier reste toujours compliqué. Les mouillages sont loin des antennes, le wifi gratuit est inexistant. Au bout de quatre ans, nous nous sommes tellement habitués à avoir un accès limité à internet que cela ne nous manque plus. Enfin libérés de l’emprise de l’internet !
Devenir des navigateurs plus expérimentés
Au début de notre voyage, nous ne connaissions rien à la voile, nous avons juste fait le permis mer avant de partir. Après 4 ans de vie sur le bateau, de nombreuses traversées, de nouvelles zones de navigation, l’expérience se fait bien sentir.
Gagner en expérience permet de voyager l’esprit plus tranquille.
Nous reconnaissons plus vite les situations à risque et nous les évitons au maximum. Nous sommes maintenant conscients que tout peut tomber en panne sur un bateau à n’importe quel moment. Qu’il faut être vigilant en permanence. Qu’il faut entretenir le bateau et l’équipement en permanence pour prévenir les pannes.
Nous sommes maintenant à l’aise avec les réparations de l’électronique, de l’électricité, de la plomberie et de la mécanique. Tout était avant comme un gros puzzle compliqué. Mais maintenant, nous démontons quasiment tout.
Savoir réparer donne une énorme autonomie. Plus besoin de subir les pannes. Plus besoin de subir l’incompétence des réparateurs qui nous facturent une fortune.
Réparations et upgrades sur le bateau
Les réparations sur notre Bénéteau Océanis 440 continuent à être la préoccupation principale. Une fois qu’on a quitté les Petites Antilles en direction de l’Amérique centrale, la chasse au matériel de bateau est devenue un cauchemar. La Colombie et le Panama n’ont pas de shipchandlers. Ne parlons même pas de la main d’œuvre qualifiée.
Une seule solution dans cette partie de l’Amérique latine : se faire livrer soit des Etats Unis soit de l’Europe. Soit par avion au prix très coûteux calculé au poids. Soit par cargo pour du matériel plus lourd et au prix qui se paye au volume, c’est plus avantageux.
Nous avons fait une grande commande de matériel quand nous étions sur l’île de San Andres (île sans taxes). On passe par une société qui regroupe toutes les commandes dans un dépôt à Miami aux USA. Une fois toute la marchandise prête, elle est envoyée par cargo dans un container.
Prix pour notre livraison et les frais administratifs : 210 USD pour un volume de 0.32 m3 pour un poids de 52 kg.
Et quelles sont les nouvelles grandes améliorations sur le voilier Silkap lors de la 4ème année ?
Un générateur thermique 110V (à l’essence) pour nous dépanner en électricité car le soleil et le vent se font rares dans la région de Panama. Et nous ne voulions pas trop recourir au moteur du bateau pour recharger les batteries en cas de besoin. Il fallait aussi acheter un transformateur 220V/110V et vice-versa.
Nous avons également fait faire un nouveau bimini et fait enfermer notre cockpit pour avoir moins de soleil et de pluie dans le cockpit. Ça nous a changé la vie et nous pouvons passer plus de temps à l’extérieur maintenant. Le soleil et les UV sous les tropiques sont vraiment trop forts et il pleut très souvent.
Un nouveau génois a remplacé l’ancien et il nous permet une bien meilleure navigation. Il a une coupe diagonale et c’est un 120%. (100% représentent la distance de l’étai par rapport au mât).
L’ancien génois avait des coutures droites et était un 140%. Beaucoup trop grand et trop lourd pour les conditions de navigation sous les tropiques, il était rarement déroulé entièrement.
Tout quitter pour partir en voilier : était-ce une bonne décision ?
La vie en bateau est une vie de survivaliste et de débrouillardise. Voyager en voilier est lent, inconfortable et cher. Voyager en camping-car ou en avion serait certainement plus facile. Mais ça signifierait faire comme la plupart des gens.
Faire de la voile nous permet d’appartenir à une petite communauté, de vivre une expérience que peu de gens oseront vivre.
Partir en voilier, c’est de faire partie d’un monde à part. Et ça nous plaît.
En voilier, nous sommes souvent loin de la civilisation, loin des magasins, sans accès à la télé et très peu à internet. Depuis que nous avons quitté l’Europe, nous sommes loin du stress et des besoins futiles de nos sociétés capitalistes.
Des sociétés qui nous imposent comment vivre, comment penser, que faire et ne pas faire, comment se comporter, comment s’habiller… En bateau, nous sommes loin de tout cela.
Aujourd’hui, nos préoccupations sont devenues très basiques : où se mettre à l’abri de la mauvaise météo, avoir du soleil pour produire notre électricité et pour cuisiner au four solaire, trouver du gaz, pêcher du poisson… et rester en bonne santé.
Vivre une vie minimaliste que nous impose le bateau est une vraie libération et une liberté.
Nous apprécions enfin des plaisirs tout simples de la vie, comme trouver du vrai pain et du fromage, ce qui est très difficile en dehors des îles européennes.
Le bateau nous a obligé à revoir complétement notre hiérarchie des besoins. Et c’est une sacrée révolution dans nos vies.
Alors oui, quitter notre vie d’avant en valait la peine !
Quelle suite pour notre voyage en voilier ?
Une grande leçon apprise avec le voilier, c’est qu’il ne faut rien planifier. A cause de la météo et des réparations, impossible de se tenir à quelconque planning.
Notre prochaine destination est le Mexique côté Pacifique avec la Mer de Cortez. Ce n’était pas au programme mais nous en avons tellement entendu parler parmi les navigateurs. Les fonds marins sont très riches en poisson et il y a des baleines toute l’année, paraît-il.
Si la Mer de Cortez nous plaît, nous y resterons une année jusqu’au début 2024. Dans le cas contraire, nous traverserons l’Océan Pacifique jusqu’en Polynésie française en avril-mai 2023.
Le prochain défi sera aussi de libérer encore plus d’espace sur le bateau et de mieux organiser le stockage à bord. Les choses s’accumulent et nous avons du mal à jeter en pensant qu’elles pourront servir un jour.
Mais il faut faire de la place pour installer du matériel qui nous permettra d’avoir plus de confort à bord et aussi une plus grande autonomie loin de tout. Le prochain équipement sur la liste est une machine à laver, un plus grand parc de panneaux solaires et peut-être un petit congélateur.
Et le plus important objectif pour la suite du voyage : profiter de chaque instant, de vivre au jour le jour et rester en bonne santé !
Une vie simple pour un maximum de souvenirs inoubliables !
66 ans, j’envisage un projet en solitaire … ça fait du bien de vous lire … j’ai particulièrement aimé le passage (« En voilier, nous sommes souvent loin de la civilisation, loin des magasins, sans accès à la télé et très peu à internet. […], pêcher du poisson… et rester en bonne santé. ») mais les budgets dont vous faites état (et qu’il me reste à analyser) m’ont un peu affolé …
Bon vent, prenez soin de vous.
Bonjour Antonio,
Eh oui, voyager en voilier de plus en plus loin des côtes européennes augmente les coûts. Tout doit être à double, toutes les pièces pour bateau sont chères, chaque petit souci à réparer coûte une fortune, les frais pour entrer en voilier dans les pays sont de plus en plus élevés.
Malgré ce que l’on puisse croire, la voile n’est pas un hobby à bas coûts. Nous-mêmes sommes surpris des coûts alors que nous faisons très attention au budget.
La partie la plus chère sont l’entretien et les réparations du bateau. Les gens sous-estiment énormément cette partie du budget en pensant que tout dure éternellement sur un bateau.
Avec l’inflation du post-covid, les coûts ont encore augmenté. Il faut compter 30-40% d’augmentation sur le budget.
Pour diminuer un peu les coûts, faut acheter un bateau plus petit.
Merci à vous deux ! Du fond du coeur car vous analysez extrêmement bien l’essentiel, et celui-ci se trouve dans tous ces milliers de petits détails que vous partagez avec un grand réalisme.
Evidemment, qu’un « minimum » de confort est important, un « minimum » d’autonomie est nécessaire. Tout cela permet de vivre l’instant présent au mieux, d’être mieux avec les autres, de se sentir tout simplement… heureux.
Merci.
Le retraité a pris tout son temps pour lire ce très interessant article. Au mot budget j’ai ressenti une émotion… allions nous nous retrouver au bureau de la direction et essayer d’expliquer qu’un ordi serait bien utile pour ce travail….. que de bons souvenir ! Bon, ça y est,… vous êtes de l’autre côté… Hawaï, Papeete,.. … mais que d’eau ! Bonne navigation… ici c’est les préparatifs pour le fête de l’Escalade 2022 !
Avec une crise de foie garantie vu tout le chocolat qu’on va devoir manger…🤣
Salut Michel,
Ha, L’escalade, que de bons souvenirs.
C’est bien que cela reprenne après 2 ans d’interruption.
Mangez-en plein de chocolat pour nous car ici il n’y en a pas ! Cela nous manque !
Profitez bien
Bonjour Dajana et Ivo,
Ça y est, vous êtes de l’autre côté de la barrière, dans le Pacifique. Tant mieux, mais encore quelques frais de passage du canal et de préparation pour aller vers le Mexique.
C’est sûr que le bateau demande un entretien de plus en plus important, même si on dit « petit bateau, petits soucis », il faut tout de même avoir la place pour les pièces détachées et un minimum de confort et d’isolement (parfois). Certains pays n’ont pas du tout la culture « plaisance », et malheureusement, ce sont souvent ces pays que l’on visite ou atterrit après un long parcours et donc c’est là ou il faudrait trouver quelques pièces de rechange…
C’est la vie…
Je crains que si vous attendez les vents favorables à Las Perlas, il faille attendre longtemps, c’est un marais sans vents. J’ai remarqué que la sortie du Canal était toujours très compliquée.
Il semble qu’il faudrait sortir de ce trou au moteur pour remonter jusqu’à la hauteur de la frontière du Costa Rica pour toucher des vents favorables.
Bises à vous deux,
Amicalement, Philippe
29nov22
Phillippe,
Merci infiniment pour tes nombreux commentaires, conseils et réflexions. Nous avons toujours hâte de les lire, il y a tojours quelque chose dont nous pouvons apprendre.
Le Mexique est apparemment mieux équipé en shipchandlers et surtout il y a de gros magasins d’avitaillement et c’est près des USA pour commander.
Ca nous permettra de bien préparer le bateau pour la suite du voyage.
Tu as raison pour la météo au Panama. Nous allons devoir faire beaucoup de moteur pour monter la côte.
Merci pour tout Philippe et continue à nous écrire !
Merci pour tous vos reportages et vidéos c’est très intéressant. Connaître vos réflexions et sentiments et riches de renseignements
Bon voyage, bon vent
Amitié
C’est avec grand plaisir. Nous apprenons à vivre la vraie vie et c’est une grande leçon pour nous. Il faut complètement reprogrammer notre cerveau d’européens.
Merci pour ton commentaire, cela nous encourage à continuer.
Bravo pour cet article, complet et bien descriptif.
Profitez des Iles Perlas.
Mon fils y est venu il y a 2 ans en vacances apnée et pêche au harpon.
Il a beaucoup aimé et fréquenté de gros et grands poissons, y compris grands requins parfois un peu agressifs !
Au fait, les pièces inox dans lesquelles passent les filières, ces sont en Français, des chandeliers…
LA bise de nous 2
K et V
Salut vous deux,
Alors c’est très prometteur. Et on attrapra enfin du poisson au bout de la ligne et non plus les sargasses comme aux Caraïbes.
Hihi, oui, chandelier. Quand on s’énerve trop, on perd tout le vocabulaire marin loool
Gros bisous à vous deux.
Coucou,
Continuez à profiter de chaque instant et de nous donner des nouvelles régulièrement.
Bon vent.
Gros bisous 😘😘😘😘😘
Merci Giani pour tes mots.
Nous t’embrassons fort du Pacifique.