Un voilier devant une belle plage et l’équipage qui a l’air d’être en vacances perpétuelles. Voilà à quoi ressemble un voyage autour du monde sur un voilier. Ou d’après les photos sur les réseaux sociaux en tout cas.
Ça fait rêver. Ça donne envie de faire ses valises et partir explorer le monde. Mais vivre sur un voilier, est-ce tout le temps si paradisiaque comme on se l’imagine ? Que change-t-il par rapport à la vie moderne en appartement ?
Nous avons découvert la vie sur le bateau en entamant notre tour du monde en couple en septembre 2018. La seule expérience préalable en mer que nous avions étaient les stages pour notre permis mer. Nous n’avions donc pas la moindre idée de ce qu’il nous attendait.
Bye bye vie confortable en appartement, bienvenue vie nomade d’aventuriers sur un voilier !
Découvrez dans cet article les avantages et inconvénients de la vie à bord d’un voilier.
1. Les réparations sont l’occupation principale
Savez-vous quels sont les deux moments les plus heureux dans la vie d’un navigateur ? Le premier, c’est bien sûr l’achat du voilier. Et le deuxième ? Vous ne croirez jamais ! C’est sa revente.
Pourquoi ? Car bateau est synonyme de travaux. Quasiment en permanence. C’est aussi simple que cela. Ceux qui n’en possèdent pas pensent certainement que nous exagérons. Nous faisions aussi partie de ce groupe. Jusqu’à ce que nous en achetions un.
Pour comprendre, imaginez-vous les conditions qu’un voilier doit endurer.
Eau. Sel. Humidité. Soleil. Rayons UV. Pluie. Vent. Vagues. Secousses. Forces physiques.
Une maison flottante se fait agresser de partout et par tout temps.
« Sailing is fixing things in exotic places. » Les anglophones le résument bien. A force, les navigateurs deviennent de vrais bricoleurs, spécialistes en tout genre de matériaux et d’équipements. Croyez-nous, personne n’y échappe. Prévoyez au moins deux grandes armoires pour toute sorte d’outils, de pièces détachées et de double équipement en cas de panne.
2. Un voilier est gourmand en budget
Combien coûte selon vous une visse ? Pour bricoler à la maison, un emballage d’une dizaine ou d’une vingtaine de petites visses simples vaut dans les un ou deux Euros. Pour le bateau, c’est le même prix. Sauf que c’est juste pour une seule visse. Car tout doit être en inox sur un bateau. Et pas n’importe quelle qualité d’inox. Dans l’environnement humide chargé de sel, tout autre matériau rouillerait. L’inox se veut inoxydable et pourtant, en milieu marin, il arrive tout de même à se couvrir d’une légère couche de rouille (facile à enlever fort heureusement).
Tout matériau, tout produit, tout équipement sur un bateau est adapté au milieu marin. Anti UV, anti moisissure, anti choc, antioxydant, imperméable… Des magasins de type IKEA, Alibaba Express ou Wish pour bateau n’existent pas. Vous ne voudriez pas faire couler votre bateau, n’est-ce pas ?
Nous ne sommes pas les premiers à s’étonner du budget qu’un voilier engloutit. Selon l’état et l’âge du bateau, l’entretien, les réparations et le replacement des équipements coûtent annuellement au moins 10-20% de la valeur d’achat du bateau.
3. La météo est le grand boss
« The plans of sailors are written in the sand at low tide. » Les plans des navigateurs sont écrits dans le sable à marée basse. Cette phrase résume parfaitement la planification du voyage sur un voilier. Les plans changent, sans cesse. Au gré des humeurs de Madame Météo. Parfois, on doit écourter un séjour, parfois fuir un mouillage en plein milieu de la nuit ou complétement changer de destination.
Le voyage en voilier est tout simplement rythmé par la météo. Les navigateurs vérifient les prévisions météo en permanence, surtout quand ils sont au mouillage. Car le bateau et son équipage ont besoin d’abri, contre le vent et les vagues (la houle). Pour partir en mer, il faut attendre la bonne fenêtre météo. Qui aurait envie de se mettre en danger sur une mer déchaînée ?
4. L’espace est limité
Les bateaux sont construits pour une utilisation de quelques semaines par année seulement et non pas pour un tour du monde et une vie à temps plein. Selon la taille, ils sont aménagés pour accueillir six, huit voir plus de monde à bord. Cela signifie autant de couchettes, autant de places nécessaires autour de la table dans le carré (le salon-cuisine) ainsi que dans le cockpit (la terrasse). Les toilettes-douches prennent également de la place et il y en a deux, trois ou plus par bateau.
On y rajoutant une cuisine avec son équipement, un parc de batteries, un moteur in-board (logé à l’intérieur), des cuves d’eau douce et d’autres équipements de confort, il ne reste plus beaucoup d’espace libre. Alors les cabines et les toilettes sont réquisitionnées pour servir de stockage, en priorité pour tous les outils de bricolage et pour les pièces détachées. Un voilier autour du monde ressemble à un vrai atelier de réparation.
Déménager d’un appartement confortable dans un espace réduit demande de se débarrasser du superflu et de mener une vie minimaliste. Adieu à la société de consommation, adieu aux bibelots et des attrape-poussières acheté en soldes et qui ne servent jamais à rien. Vivent la vie en short, t-shirt et tongs !
5. Une maison flottante bouge en permanence
Plusieurs personnes nous ont déjà envié cette vie où les vagues nous bercent et leur bruit nous endort. Ces personnes font référence à ces fameux CD audio avec des bruits de vagues et de la mer que l’on peut écouter pour s’apaiser. Mais quand on vit sur un voilier, la réalité est un peu différente.
Une maison flottante bouge de concert avec le vent, les vagues, le courant et les marées, qu’elle soit en navigation ou au mouillage. Le mouvement le plus désagréable est le roulis. Il s’agit du mouvement de droite à gauche avec plus ou moins d’amplitude. Croyez-nous, ça n’a rien à avoir avec du bercement. On se sent plutôt comme dans une machine à laver.
Toutes les navigations en vent arrière ressemblent à cela. Comme par exemple la traversée de l’Atlantique, 24h/24 pendant trois semaines. Et même au mouillage sur une mer calme, on peut passer des nuits blanches dans un roulis.
6. L’eau, l’électricité et le gaz ne coulent pas à flot
Déménager d’un appartement confortable dans un bateau demande de diminuer drastiquement la consommation d’énergie. Fini les douches à volonté, fini les plats mijotés pendant des heures, fini des appareils ménagers non substantiels à la survie. Sur un voilier, il faut non seulement avoir de la place pour stocker les ressources (cuves d’eau, batteries, bonbonnes de gaz) mais également un budget conséquent pour l’équipement qui fabrique ces ressources (désalinisateur, panneaux solaires, éolienne).
Plus d’équipement signifie aussi plus de problèmes potentiels et plus de réparations. Chacun équipe son bateau en fonction du niveau de confort nécessaire. Mais aussi en fonction du budget à disposition. Les navigateurs ont tout de même une chose en commun : nous faisons tous très attention à la consommation de ces ressources limitées.
Notre bateau par exemple n’est équipé que du strict minimum. Un réfrigérateur, des instruments de navigation, une télé, un chauffe-eau (très peu utilisé), deux panneaux solaires. Pas de micro-ondes, pas de congélateur, pas de désalinisateur, pas d’air conditionné, pas de machine à laver. Avec le temps, on s’habitue à cette vie. Finalement, ça fait partie du style de vie sur un bateau.
7. Les déplacements à terre ne sont pas toujours possibles
Comment aller à terre depuis un bateau quand on est au mouillage (à l’ancre) ou amarré (attaché) à une bouée de mouillage ? Ce n’est pas très compliqué. On met à l’eau notre voiture des mers, alias annexe (dinghy en anglais). C’est un petit bateau gonflable. On débarque alors sur une plage ou un ponton et nous-voilà sur la terre ferme à explorer les environs.
Sauf que parfois, cela n’est pas possible. Tout d’abord, il faut qu’une plage soit en sable sans gros cailloux et rochers. Car il va falloir tirer l’annexe à terre pour la mettre à l’abris des vagues et de la marée. Ensuite, il faut que la mer ne soit pas agitée, autrement le débarquement devient impossible voire dangereux.
Ça arrive que nous restions coincés plusieurs jours et même une semaine entière au mouillage sur notre bateau. Tant pis, ce sont les aléas du voyage en voilier. La météo a toujours le dernier mot.
8. L’internet arrive au compte-goutte
Arriveriez-vous à survivre sans internet pendant de longs mois ? Le temps des vacances certes, mais plus longtemps ? En voyage, comme on change de pays sans cesse, il faut à chaque fois se procurer une nouvelle carte prépayée avec les données. Combien ça coûte ? 15 Euros pour 5 à 7 GB (gigabytes) environ, parfois un peu plus. A ce prix, on apprend très vite à se mettre au régime de données. Et oubliez le free wifi en voyage, c’est une illusion.
Pourquoi avons-nous besoin d’internet sur un bateau ? En priorité, il faut connaître les prévisions météo. Tous les jours, idéalement deux fois par jour. Pour savoir la force et la direction du vent ainsi que la hauteur et la direction de la houle (des vagues). On adapte ensuite nos plans de navigation en conséquence.
9. Le dress-code est minimaliste
Avant d’emménager sur un bateau, faire un vide-dressing est de mise. Plus besoin de costard-cravate, de chaussures à talon ou de tenue différente chaque jour ! Premièrement, il n’y a pas suffisamment de place sur un voilier pour stocker une garde-robe volumineuse. Même si nous stockons nos habits dans des sacs sous-vide qui permettent d’économiser de la place, il fallait se séparer de plusieurs sacs de vêtements avant le départ autour du monde.
Deuxièmement, il n’y a pas de place pour une corbeille remplie de linge sale. Et oublions aussi le lave-linge à bord. Sauf si vous ne pouvez vraiment pas vous en passer. Mais dans ce cas, il faut avoir un désalinisateur pour transformer l’eau salée en eau douce.
Sur un bateau, c’est la vie en short, t-shirt et en tongs ! Et la baignade en habits d’Adam et Eve.
10. La vie sociale est remplie de rencontres
Naviguer et bouger sans cesse d’un endroit à l’autre peut devenir pesant. Nous vivons 24h/24 à deux dans le bateau, faisons les activités à deux. Nos familles et nos amis se trouvent à l’autre bout du monde.
Cependant, à chaque nouvelle destination, nous rencontrons d’autres navigateurs comme nous. Ils sont d’origines et nationalités différentes, de classes sociales et de destins variés. Les affinités se font souvent en fonction du pavillon du bateau (le drapeau du pays dans lequel est enregistré le bateau). Si nous restons plusieurs jours au même endroit, au mouillage ou au port, c’est une bonne opportunité d’aller saluer les voisins, d’engager la conversation, de pratiquer nos langues étrangères (surtout l’anglais) et de s’inviter les uns chez les autres pour un apéro.
Le réseau social Instagram par exemple permet aussi de suivre le parcours des autres tourmondistes en bateau et de se croiser après des mois voire des années après. Certes, quand on voyage, les rencontres sont brèves, c’est sans arrêt le moment de se dire aurevoir. Mais comme les routes des navigateurs se ressemblent (à cause de la direction des vents et du courant), nous allons certainement nous revoir tous un jour.
Un point que nous apprécions particulièrement dans la communauté des navigateurs, c’est l’entraide. Nous avons l’impression de faire partie d’un gros club où on se donne un coup de main et on s’échange les bons tuyaux. Finalement, la vie nomade n’est pas si solitaire !
Merci pour l’article très intéressant
Avec plaisir.
Bonjour, c’est toujours avec énormément de plaisir que je lis vos articles. Nous devions partir cet été et sans doute effectuer la traversée fin d’année mais cela semble compromis pour l’instant.
Ce ne doit pas être très facile de vivre un confinement sur un voilier au ponton, mais les rencontres avec les copains-bateaux doivent rendre la journée plus facile.
Portez vous bien et merci pour ces rendez-vous d’exotisme !
Coucou Gwen, les projets de tout le monde sont tellement bouleversés. Il sera probablement possible de partir en été ou en septembre en voilier, car à un moment donné, les frontières vont devoir ouvrir. Voyager en voilier sera peut-être plus facile qu’en avion. Par contre pour les visites touristiques des lieux, on verra bien. Pour l’instant, on ne peut qu’attendre et voir ce que les pays décideront.
En Guadeloupe, comme c’est la France, nous restons quasi toute la journée sur le bateau. Mais c’est du confort avec électricité et eau à volonté, inclus dans le prix de la marina qui est vraiment super abordable comparé à d’autres îles des Antilles. Et nous faisons parfois des apéros-ponton, anniversaires-ponton… c’est super sympa de rester plus longtemps avec les mêmes personnes au même endroit.
Comme nous resterons une saison de plus aux Antilles, on se croisera! Aller, on y croit!
Comme on vous plaint maintenant qu’on sait ce que c’est d’être confinés, certe avec l’eau courante, le gaz et l’électricité à volonté ainsi que la TV et Internet.
Mais quand même, on constate que vous êtes heureux, que vous vous êtes trouvés pour vivre cette aventure et on vous plain un peu moins. Merci pour toutes ces explications.
Courage, bonne continuation et j’espère bientôt bon vent.
La Santé à vous et vos proches.
Gros bisous
Les navigateurs vivent le confinement à plus petite dose tout au long de l’année, ça le rend plus supportable. Et on sait aussi plus ou moins à chaque fois quand il se finit.
Un mal nécessaire, en rajoutant les autres désagréments, pour profiter des coins magnifiques de notre planète.
Nous t’embrassons très fort.
Merci pour toutes ces explications, c’est un régal de vous lire, cela permet de vous suivre et de comprendre votre quotidien plein d’embûches dans votre périple.
Merci Petro! Le mot « périple » décrit bien une partie de ce qu’on vit sur un voilier
Et ave1le temps, on s’y fait.